LES 12 POIREAUX D'HERCULE.
( Attention ! Poème engagé )
Un gabarit de trous percés,
alignés comme oignons arrangés,
s’étalaient du plus ténu au plus gros,
pour jauger, sans faveur, du calibre
d’un poireau.
Le jour était aux poireaux, le champ en était
garni.
Il aurait pu s’agir de carottes ou bien de
longs radis.
Non ! Le jour était aux poireaux, et on
allait décréter
au comble de l’ânerie, à quel cours ils
seraient estimés.
On arracha, à deux pieds bien calés,
un poireau au hasard qui n’avait rien sommé,
pour l’enfiler, coït obligatoire, dans le
trou adéquat,
et le flanquer à vue, d’un droit de vie ou de
trépas.
Mais le poireau, déformé par une pousse
corrompue
arrosée à l’engrais, avait un très gros cul…
Il ne franchit pas le seuil du plus petit des
trous.
Et dans le gros, se pela le jonc,
régulièrement jusqu’au bout !
Le jaugeur conditionné tel poulet aux
hormones
ne se satisfit pas de cet allium porrum.
Il en déracina un second, à deux doigts,
comme une fleur.
Un poireau minuscule, misérable à faire peur…
L’extracteur entêté accomplit ses travaux
en extirpant pas moins d’une douzaine de
poireaux.
Pas un n’avait l’allure du pied précédent,
la
tige aussi longue, le manche aussi blanc…
" Un poireau doit ressembler à un
autre poireau,
il doit être, c’est écrit là :
règlementairement beau. "
Clama Hercule l’étalonneur borné
qui décocha son verdict comme un couperet :
« À MORT LE POIREAU !
À MORT LE PAS BEAU ! »
On moulina le champ et tous les poireaux
dedans…
"Parce que sur un étal, ça ne rapporte
pas un gland !"
Mais le plus fort sans raison, pauvre
idiot rassasié,
avait oublié qu’un légume croît pour être
mangé.
Pendant que les uns s’écœurent d’avoir bossé
en vain
d’autres espèrent encore… bouffer à leur
faim…